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Retraites : quatre questions sur BlackRock, la société accusée d’avoir influencé la réforme

Un article sur BlackRock publié sur le site de L’Express le 12/12/2019

Retraites : quatre questions sur BlackRock, la société accusée d’avoir influencé la réforme


Plusieurs médias français accusent la multinationale, spécialisée dans la gestion d’actifs, d’avoir influencé la réforme pour servir ses propres intérêts.

Le plus grand gérant d’actifs au monde aurait-il la capacité d’influencer l’Élysée ? L’entreprise américaine BlackRock, spécialisée dans la gestion d’actifs, est depuis plusieurs jours au coeur d’une polémique entourant la réforme des retraites. Plusieurs médias français soupçonnent notamment ses dirigeants d’avoir influencé la réforme, afin de servir leurs propres intérêts.

Le site d’investigation Mediapart et le journal L’Humanité ont tous deux publié de longs articles à ce sujet cette semaine, tandis que le député d’Eure-et-Loire Olivier Marleix a directement accusé l’entreprise de profiter de la réforme des retraites, dans une déclaration au Parlement.

"Si votre réforme va à son terme, les affaires de BlackRock en France prendront un formidable essor", a-t-il affirmé lors de questions au gouvernement. Mais qu’est-il exactement reproché à BlackRock ? L’Express vous aide à y voir plus clair en quatre questions.

Qu’est-ce que BlackRock ?

Fondée en 1988 aux États-Unis, cette multinationale est devenue au fil du temps le plus grand gestionnaire d’actifs au monde - à la fin du mois de septembre 2019, elle gérait ainsi plus de 6960 milliards de dollars. Par ces fonds accumulés et ses liens avec les investisseurs institutionnels, la société est aujourd’hui extrêmement influente, et a acquis depuis la crise économique et financière de 2008 une place "sans précédent" dans le monde des affaires, explique Mediapart. Selon le site d’investigation, les banques centrales américaine (FED) et européenne (BCE) font notamment appel à elle pour évaluer les banques.

Certaines de ses têtes pensantes ont également des liens plus ou moins intimes avec les dirigeants de plusieurs pays et institutions européennes. Ainsi, l’ancien président de la banque nationale suisse Philipp Hildebrand est devenu vice-président de BlackRock. Ancien responsable de la CDU, le parti d’Angela Merkel, Friedrich Merz en est lui le représentant en Allemagne.

Enfin, Larry Fink, co-fondateur et président de BlackRock, connaît bien Emmanuel Macron : en avril 2017, il déclarait sur Fox News que l’actuel chef de l’État était destiné, selon lui, à devenir le futur président "pour le plus grand bien de la France et de l’Europe". Depuis, les deux hommes se sont rencontrés à plusieurs reprises, selon Mediapart. Jean-François Cirelli, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Chirac, PDG de GDF puis vice-président d’Engie, et actuel président français de BlackRock, a lui "porte ouverte dans les ministères", assure le site. C’est là où le bât blesse : selon L’Humanité et Mediapart, le géant américain aurait pu influencer le gouvernement, notamment sur la réforme des retraites, afin de servir ses propres intérêts.

Qu’est-il reproché à cette entreprise ?

Tout part d’une note, rédigée par l’entreprise "à destination du gouvernement français" en juin 2019 et repérée par Mediapart. Dans cette note, intitulée "Loi Pacte : le bon plan retraite", BlackRock se félicite notamment de l’adoption en avril de la loi Pacte, et de sa toute récente promulgation.

Selon l’entreprise, cette loi vise "à combler les lacunes structurelles des régimes d’épargne retraite volontaire existants. Elle permet à l’épargnant : de bénéficier d’un allègement fiscal pour les cotisations versées en réduisant sa base imposable sur le revenu, d’accéder à son capital avant la retraite dans certains cas prédéfinis [...], de transférer son patrimoine à une entité plus concurrentielle sans frais de transfert après cinq ans".

Mais au-delà de ce "premier pas", la société se réjouit surtout du projet de réforme des retraites, qui ,pour les financiers, doit être l’occasion de mettre en oeuvre un système par capitalisation, qui jusque-là n’a pas encore réussi à s’appliquer en France. Un système qui leur permettrait de mettre la main sur une épargne "parmi les plus élevées d’Europe", indique BlackRock.

En quoi la réforme des retraites pourrait-elle lui bénéficier ?

Cette épargne "élevée" leur échappait jusqu’à présent : "Fin 2017, seuls 130 milliards d’euros avaient été collectés dans ces produits [d’épargne retraite], ce qui est décevant par rapport à l’épargne déposée en liquidités [1500 milliards d’euros], les produits d’assurance-vie en euros [1600 milliards d’euros] ou les investissements directs/indirects en actifs non financiers [plus de 7 600 milliards d’euros]", indique la note.

Mais, comme le rappelle Les Échos, la réforme des retraites pourrait bien changer la donne, puisqu’elle a pour but de faire passer les encours gérés dans le secteur de 230 milliards d’euros à plus de 300 milliards d’ici 2022. Avec la réforme, les plus hauts revenus ne devraient plus cotiser pour leur retraite sur la part de leur rémunération supérieure à 10 000 euros par mois. "S’ils veulent compenser cette perte de droits à la retraite, ils devront donc épargner", conclut le journal.

Une réforme plus que bénéfique pour BlackRock, qui rédige ainsi dans sa note quelques règles à suivre pour le gouvernement, afin de "réussir la réforme de l’épargne retraite" : " 1) Améliorer par voie de décrets d’application et d’ordonnance la lisibilité du régime avec un corpus de règles communes destiné à faciliter la portabilité de l’épargne retraite. 2) S’inscrire dans le cadre du nouveau règlement européen qui instaure le produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle (PEPP). 3) Pérenniser le dispositif législatif et les incitations fiscales de long terme en renforçant le rôle d’un tiers indépendant ayant pour mission d’évaluer le coût et l’efficacité des réformes dans la durée", cite Mediapart.

Que répond BlackRock ?

Ces allégations ne passent pas auprès de BlackBlock, qui affirme ne pas souhaiter commenter ces articles, "qui sont par ailleurs inexacts", rapporte Les Échos. Selon le journal, le groupe se dit injustement visé, puisque sa note indique simplement le fait que le système de retraites par répartition allait rester "au coeur de l’épargne retraite française".

Suite à la parution de notre article, BlackRock a envoyé à L’Express cette déclaration : "Dans le cadre de la loi Pacte, le gouvernement a redéfini l’univers des produits d’épargne-retraite qui permettent aux épargnants de constituer un revenu qui vient en supplément des régimes de base et complémentaire. [...] BlackRock continuera d’offrir, au travers de ses équipes locales, des solutions d’épargne performantes destinées aux différents acteurs financiers qui souhaitent proposer ces produits aux épargnants français."

Article publié le 16 décembre 2019.


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